Depuis quelques années, de plus en plus de médicaments viennent à manquer sur les rayons des pharmacies. Pourquoi en est-on arrivé à une telle situation ? Avons-nous des solutions ? En 2017, près de 534 signalements de problèmes d’approvisionnement en médicament ont été recensés en France par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM). Triste record car 2008 n’en a compté que 44. Dernièrement, le sujet a resurgi sur la scène médiatique en raison d’une rupture de stock portant sur des traitements de premières importances comme les corticoïdes qui sont des anti-inflammatoires. Cela a provoqué de vives inquiétudes chez les praticiens mais également chez les patients.
Mesures insuffisantes
Le ministre de la Santé a proposé, au mois de juillet 2019, de généraliser une veille internet pour signaler en temps réel les ruptures d’approvisionnement. Elle propose aussi « des actions ciblées et adaptées à chacun des acteurs du circuit du médicament », telle que la possibilité donnée par la loi Santé au pharmacien de « remplacer le médicament indisponible initialement prescrit par un autre médicament » lorsque la pénurie concerne une préparation « d’intérêt thérapeutique majeur ». Elle demande plus de « coopération européenne », en poursuivant « les discussions sur l’achat groupé notamment de vaccins essentiels au niveau européen » et « un partage d’information concernant les situations et les causes des pénuries à l’échelle de l’Europe ».
Une pénurie organisée
Ces mesures paraissent bien insuffisantes. Si nous voulons tenter d’inverser la tendance, il faut revenir aux racines du problème. L’exemple du Valsartan qui a défrayé la chronique l’année dernière en est la parfaite illustration. Ce médicament est utilisé pour stabiliser la tension artérielle afin de prévenir la survenue ou la récidive d’AVC ou d’infarctus du myocarde. L’ANSM a demandé à plusieurs reprises le rappel de boîtes issues de différentes marques. Dès le mois de juillet 2018, une alerte avait été déclenchée sur la présence d’un produit potentiellement cancérogène dans la composition de ce médicament. Les entreprises incriminées ont un point commun : l’exploitation de ce médicament sous sa forme générique. Pour réduire les coûts de production, il est fabriqué par des sous-traitants en Inde et en Chine ; souvent les firmes pharmaceutiques ne font qu’apposer leurs marques sur les emballages. Le tout générique voulu par les pouvoirs publics se fait une nouvelle fois sut les considérations purement économiques et au détriment des patients. Pire encore dans le cas du Valsartan, cela entraîne par ricochet d’autres conséquences. Il est en effet indispensable aux traitements et sa rupture d’approvisionnement peut-être très problématique à terme. En attendant de trouver d’autres moyens de substitution, on a indiqué aux patients de ne pas arrêter leur traitement On se pose forcément la question du contrôle réel que subissent certains médicaments, en particuliers les génériques qui sont souvent produits bien loin de nos frontières. Est-on en train d’instaurer insidieusement une politique du risque acceptable pour faire des économies à tout prix et permettre aux laboratoires de faire des bénéfices sur notre sécurité.
Stocker et relocaliser la production
Pour Indecosa Cgt, cette situation ne peut plus durer et cela passe par le meilleur contrôle des lobbies pharmaceutiques. La question de la rupture de livraison concerne principalement certains médicaments essentiels, efficaces mais peu coûteux à produire. L’industrie pharmaceutique privilégie la mise sur le marché de nouvelles préparations à haute valeur ajoutée, comme ce fut le cas pour le Solvadi, avec des marges financières importantes en retour. Mais, quel avenir pour les anciens anti-inflammatoires, comme l’ibuprofen ou l’Advil, qui ont prouvé leur efficacité ? Les faits sont là et la pénurie de certains médicaments est sciemment organisée par l’industrie pharmaceutique. Il est essentiel d’avoir des stocks suffisants mais surtout, il convient de sécuriser la production en la relocalisant en France. Cela pose également la question de la maîtrise des médicaments : elle ne peut se faire que par l’Etat et non reposer sur le bon vouloir du privé. L’Etat doit mieux contrôler les problèmes de santé publique en particulier dans ce domaine.
Arnaud FAUCON – INDECOSA CGT