La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) et le Défenseur des droits ont respectivement publié un avis et une lettre aux parlementaires sur l’état d’urgence sanitaire. Ils s’interrogent sur son impact sur la vie démocratique et les libertés individuelles.
Mis en place par la loi du 23 mars 2020 pour faire face à l’épidémie de Covid-19, l’état d’urgence sanitaire permet au Premier ministre de prendre les mesures de restrictions de déplacements, de réunion, des mesures de réquisition de biens et de contrôle des prix. Prévu initialement pour une durée de deux mois, l’état d’urgence sanitaire devrait être prolongé jusqu’au 23 juillet inclus. Un projet de loi de prorogation est actuellement en débat au Parlement.
Parce qu’il autorise des restrictions des libertés et constitue un « nouveau régime d’exception », la CNCDH et le Défenseur des droits appellent à la vigilance à l’égard de l’état d’urgence sanitaire.
État d’urgence sanitaire et État de droit
La CNCDH a adopté un avis « État d’urgence sanitaire et État de droit »(nouvelle fenêtre) le 28 avril. Il a été publié au Journal officiel du 3 mai 2020. La CNCDH s’interroge sur la pertinence de l’instauration d’un état d’urgence sanitaire et sur son impact sur les institutions et les libertés publiques.
L’institution rappelle que la limitation des libertés doit respecter « les principes de stricte nécessité, d’adaptation et de proportionnalité » et de non discrimination. Elle souligne l’importance d’apporter une attention particulière aux personnes vulnérables (migrants, mineurs non accompagnés et personnes en situation d’extrême pauvreté, les chômeurs et les travailleurs précaires) et d’arrêter les restrictions de libertés « sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires ». La CNCDH se préoccupe également des éléments suivants :
le respect du droit du travail ;
le manque de précisions concernant le pouvoir de réquisition des biens, services et personnels ;
le rôle du Parlement réduit à habiliter le gouvernement à « adopter des ordonnances dans des domaines extrêmement vastes »;
le contrôle juridictionnel diminué (suspension des questions prioritaires de constitutionnalité) ;
le manque de transparence dans la nomination des organes scientifiques consultatifs et l’absence de garanties de leur contrôle.
La CNCDH rappelle que la défense de l’ordre public sanitaire ne doit pas primer sur la protection des droits (prolongation de plein droit des détentions provisoires, notamment).
Vigilance sur la prolongation de l’état d’urgence sanitaire
limiter dans le temps les mesures de restrictions des libertés publiques, qui ne doivent pas être insérées dans le droit commun à la fin du déconfinement ;
prévoir le contrôle systématique du juge des libertés et de la détention (JLD) lors de la mise en quarantaine des « personnes entrant sur le territoire national ou arrivant dans un territoire d’outre-mer » au profit d’un dispositif reposant sur leur responsabilité ;
établir des règles juridiques adaptées pour les données du fichier de malades. Le Défenseur des droits affirme que le gouvernement doit démontrer « la nécessité, la proportionnalité et l’efficacité, de ce traitement de données couvertes par le secret médical » et demande son inscription dans la loi.