Les Amap, bien vivantes pour soutenir les paysans

Nouveaux adhérents, label bio, circuits courts… Réunies le 2 octobre à Marseille, les Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap) ont dressé le bilan de leurs vingt années d’existence en France.

 

En 2000, Daniel et Denise Vuillon, cultivateurs à Ollioules (Var), rendaient visite à leur fille aux États-Unis. Au détour d’une rue, ils découvrirent un étal de fruits et légumes autour duquel se déployait une joyeuse ambiance. Intrigué, le couple se renseigna et découvrit le concept d’un réseau de consommateurs et de paysans, déjà en place dans l’État de New York depuis plusieurs années. Le principe était simple : les consommateurs s’engageaient à soutenir mensuellement les cultivateurs — quelle que soit la récolte — à un juste prix fixé par chaque exploitant. En retour, ceux-ci s’engageaient à livrer des produits de qualité, en agriculture raisonnée. Lien entre agriculteurs et consommateurs, autonomie et rééducation alimentaire, biodiversité des sols, pérennité face à la volatilité du marché, tout y était. De retour en France, Daniel et Denise montèrent la première Association pour le maintien de l’agriculture paysanne (Amap) de l’Hexagone, soutenue par une quarantaine de familles, à la suite d’une réunion Attac sur la malbouffe. «  On était en pleine période de la vache folle, cela a choqué beaucoup de gens, se rappelle Daniel Vuillon. Avant cela, tout le monde pensait que l’État était protecteur. Il y a eu un mouvement citoyen qui a démarré et qui n’a cessé de grossir.  »

Aujourd’hui, le mouvement fête ses vingt ans et s’est largement démocratisé. À la Maison arménienne de la jeunesse et de la culture à Marseille, plus d’une centaine d’«  amapiens  » et de cultivateurs se sont réunis le 2 octobre pour dresser le bilan et réfléchir au futur. Selon le mouvement interrégional Miramap, ils représentent plus de 3 700 paysans et 250 000 consommateurs. Thierry, maraîcher, avait repris l’exploitation familiale depuis dix ans lorsqu’il a découvert les Amap en 2007. «  Mon exploitation n’était plus viable, car le coût de vente n’était pas lié au coût de production. Quand j’ai découvert les Paniers marseillais et que j’ai rencontré des consommateurs militants associatifs, j’ai pris une claque, dit-il. Je me suis rendu compte que ce qu’on faisait avait de la valeur, alors qu’on était dénigrés dans l’autre système.  » Céline, amapienne depuis deux saisons, a eu «  envie de passer le cap et de revoir [s]on rapport à l’alimentation  »«  Depuis le Covid-19, j’ai l’impression qu’on a davantage besoin de collectif, de s’engager.  »

Nouveaux défis
Si la formule séduit toujours, l’évolution n’a pas toujours été simple. Au tournant des années 2010, sentant l’intérêt des consommateurs en quête de sens, de nouvelles initiatives ont vu le jour. Moins contraignantes, elles séduisent les citadins les plus pressés : La Ruche qui dit oui ! ou Paniers bio « surfent sur une mode et prennent des parts de marché, dans une logique marketing », selon Léo Coutellec, amapien depuis 2003, chercheur en éthique des sciences contemporaines. Il considère celles-ci comme une pâle copie des Amap, dont le cœur d’action est de protéger les paysans avant tout. Le mouvement Amap a ralenti sa progression et l’arrivée des produits biologiques industriels divise les amapiens.

Les Amap doivent-elles être obligatoirement labellisées ? « La définition restreinte de la bio, telle qu’elle est devenue avec son industrialisation, est très loin de l’agriculture paysanne qu’on promeut, précise Léo Coutellec. Je pense que les Amap devraient permettre de se convertir au bio, mais cela ne devrait pas être un frein à son entrée. » Pour s’outiller et rassembler face à ces nouveaux enjeux, il a cofondé le Miramap en 2010.

En 2020, le confinement a mis en lumière le manque d’autonomie alimentaire, et le nombre d’adhérents a recommencé à augmenter. Aujourd’hui, le défi est de faire en sorte que cette tendance ne s’essouffle pas, selon Mireille Bertola et Évelyne Boulongne, porte-parole et administratrice du Miramap. Pour Mireille Bertola, les enjeux sont multiples : « Nous devons promouvoir une alimentation de qualité pour tout le monde, chez les plus précaires également. Il faut aussi œuvrer politiquement pour relocaliser l’alimentation et protéger les sols. On voudrait que le métier de paysan devienne un métier d’avenir. »

Même constat du côté de Léo Coutellec : « Il y a des consommateurs, mais chaque année 20 000 paysans disparaissent. Les Amap séduisent de plus en plus de néocultivateurs, c’est une sécurité financière à l’installation. » Chez Daniel Vuillon à Ollioules, la relève est assurée par sa fille. Chez eux, les trentenaires qui viennent chercher les paniers sont très souvent accompagnés par leurs enfants, qui tout jeunes sont habitués à la diversité alimentaire. Une relève qu’il considère comme assurée.

Marseille (Bouches-du-Rhône), le 4 octobre 2021, reportage par “Reporterre” le quotidien de l’écologie.

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